La normalisation audio sur YouTube

Qui ne s’est jamais plaint des niveaux sonores délirants d’une publicité à la télévision ? Vous savez, cette coupure publicité criarde qui nous explosait les tympans entre 2 épisodes de Friends ?

Avant 2012, c’était la “Loundness War” (“guerre du volume”) dans le monde du mixage pour la télévision.
Les ingénieurs du son étant contraints par la capacité de niveau maximal électroniquement possible, il fallait trouver un subterfuge. Pour remédier à cela, ils ont trouvé une astuce en réduisant autant que possible la dynamique sonore (c'est-à-dire l'écart entre les niveaux sonores bas et élevés) de leurs productions. Cette technique donnait l'impression que le son était plus fort, donc plus impressionnant et plus puissant (du pain béni pour les publicitaires). Cette pratique s'est rapidement répandue, et a conduit à une augmentation générale du niveau sonore dans la musique, les films et les publicités. Chaque producteur cherchait à se démarquer des autres en augmentant davantage le volume.
Pour le bien de la qualité sonore des programmes et pour nos oreilles à tous, il a fallu penser un moyen pour contrôler cette pratique.
C’est ce que les législateurs ont fait avec l’adoption de la recommandation
EBU-R128.

Cette norme implique l’utilisation d’un algorithme qui analyse le loundess c’est-à-dire la sensation de niveaux sonores en prenant en compte la manière dont nos oreilles entendent. Il en découle donc une nouvelle unité de mesure, le L.U.F.S. (ou L.K.F.S. pour les anglosaxons) que les ingénieurs du sons doivent désormais respecter en fonction de ce qui est imposé par le diffuseur.
Fini, les différences de niveaux abruptes entre une publicité et un épisode de votre série préférée !

Mais alors et YouTube dans tout çà ?!

Des normes sur YouTube ?

Quand on upload une vidéo sur YouTube, le serveur analyse son contenu. Il détermine notamment le loudness moyen (integrated loundess), en LUFS. Pour YouTube, cette valeur seuil est de -14 LUFS.

Si le loudness est au-dessus de la valeur-seuil (au dessus de -14), il abaisse alors le niveau total de la vidéo. Mais si le loudness est trop bas, l’algorithme YouTube ne corrigera pas les niveaux.

Bon à savoir : Cette valeur diffère d’une plateforme à une autre.

Exemple des seuils d’integrated loudness sur différents plateformes vidéos.

Donc, par exemple, si votre vidéo est analysée par YouTube à -11 LUFS, il va automatiquement la baisser de 3 dB. C’est ce qu’on appelle une normalisation. Et bien que l’idée soit bonne, cela engendre quelques problématiques qu’il faut connaître et prendre en considération.




Une correction à sens unique : le début des problèmes ?

Comme on l’a vu précédemment, YouTube va appliquer une correction UNIQUEMENT si votre loudness est au-dessus de la maximale autorisée.

Faisons une mise en situation : vous avez fini l’export de votre vidéo, vous êtes super fiers du résultat, vous l’uploadez sur la plateforme mais malgré tous vos efforts, plusieurs personnes évoquent dans les commentaires des difficultés ou un inconfort à entendre ce que vous dites. Il peut y avoir plusieurs raisons à cela :

  • Le loudness était probablement trop bas : YouTube ne la normalisant pas, votre vidéo est donc moins “compétitive” par rapport au reste des vidéos de la plateforme et donc aux habitudes des spectateurs. Ils n’ont pas ajusté le volume de leur appareil et trouvent donc le son de votre vidéo trop bas par rapports aux autres.

  • Le loudness était trop haut MAIS votre mixage n’était pas équilibré sur l’ensemble de votre vidéo : l’introduction, l’outro ou les musiques de transitions étaient probablement trop hautes, ce qui a fait grimper votre loudness moyen au-dessus de la recommandation et YouTube a donc normalisé votre vidéo vers le bas. Ce qui fait que les passages où vous parliez, qui étaient probablement moins forts par rapports aux autres éléments audio de votre mixage, sont désormais ENCORE moins forts. Et c’est là, que la normalisation pose problème !




D’ailleurs, White Noise Studio a réalisé une excellente démonstration que vous pouvez visualiser ici. (https://youtu.be/lhbQfUMykw0)




Comment savoir si mon son a été “saboté” par l’algorithme ?

YouTube met à la disposition de tous, un moyen de connaître certaines données utiles sur les vidéos que vous regardez. Lorsque l’on clique-droit sur une vidéo, on peut avoir accès à un panel d’informations qui s’appelle “Stats for Nerds”. C’est sur la ligne “Volume / Normalized” qu’on trouve les chiffres qui vont nous intéresser :

Exemple d’une vidéo avec un integrated loudness plus bas que -14 LUFS (1)

Exemple d’une vidéo avec un integrated loudness plus haut que -14 LUFS (2)

  • Le premier pourcentage indique le niveau auquel vous lisez votre vidéo actuellement (le petit slider de volume). Celui-là n’est pas très utile pour notre problème du jour.

  • Le deuxième pourcentage indique le “taux” de normalisation qui a été appliqué, par rapport au pourcentage précédent. Entre vous et moi, il n’est pas très pratique à interpréter…

  • C’est la valeur “content loudness” qui va véritablement nous intéresser. Elle indique la différence entre le loudness originel de la vidéo et la référence que YouTube se fixe (ce fameux -14 LUFS). Analysons ces deux exemples :

    1) Les stats indiquent un content loudness de -7,5 dB, ce qui signifie que le mixage était 7,5 dB en dessus de la référence soit à -21,5 LUFS. Le son parait donc “faible” par rapport à d’autres, aucune normalisation n’étant faite par l’algorithme Youtube.

    2) Les stats indiquent un content loudness de 5 dB, ce qui signifie que le mixage était 5 dB au-dessus de la référence soit -9 LUFS. Donc ici, une normalisation a été effectuée pour abaisser votre mixage aux standards de YouTube qui est de -14 LUFS.

Quelles solutions ?

Ce serait quand même extrêmement embêtant si, chaque fois que l’on veut vérifier son integrated loudness, on doit uploader sa vidéo sur YouTube et prier au p’tit bonheur la chance pour que ça passe.
Il existe des outils très pratiques qui nous permettent de visualiser cette norme directement depuis nos logiciels de montage / mixage (à insérer directement sur votre piste master audio), WAVES VLM Plus et NUGEN VisLM par exemple.

NUGEN VisLM

Ensuite, il existe 2 stratégies pour mixer avec ces outils de mesure.
La première, c’est qu’on garde ses habitudes de mixage et de gestion des niveaux et qu’on ajuste ensuite notre niveau directement depuis la piste master pour s’accorder à la référence qu’on nous impose.
La deuxième, préférable, est d’adapter directement notre manière de mixer en vérifiant en temps réel le loudness du programme que l’on mixe.
C’est un sujet à part entière, qui en plus est extrêmement dépendant de l’expérience de celui qui est en charge du mixage.
Cependant, pour les plus débutants, qui souhaitent s’initier au mixage dédié pour YouTube, je ne peux que conseiller d’avoir la bonne pratique de mixer les différentes sources audio de votre vidéo à une sensation égale tout au long de la vidéo, tout en se posant bien la question “Quel est mon élément principal qui doit être mis en avant ?”. Cela évitera les mauvaises surprises !

Conclusion

Il est bon de rappeler qu’une bonne gestion du loudness est une étape importante bien qu’elle ne garantisse pas forcément la bonne qualité du son de votre vidéo. Plein d’autres factures entrent en jeu, ça je ne vous l’apprends pas.
Je tiens aussi à ajouter qu’ 1 ou 2 dB de différence par rapport à la référence n’est pas dramatique. Il ne faut pas mixer dans l’optique d’atteindre la mesure cible. D’autant plus qu’il n’y a aucun impératif de loudness à respecter sur YouTube, contrairement à la diffusion télévisuelle qui, elle, est régie par des lois.
La normalisation reste une excellente pratique même s’il ne faut pas oublier que la sensation de volume est une décision arbitraire et dépend aussi du type de contenu que l’on produit.

En espérant que cet article a pu vous aider à démystifier un peu le concept de normalisation audio sur Youtube !

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